Durabilité, contexte économique instable, numérisation, innovation, financement ou bien encore recrutement, les PME suisses sont soumises à de nombreux défis auxquels elles doivent savoir faire face si elles veulent rester compétitives. Dans cette interview, Marc Secretan nous donne des pistes de réflexion sur la meilleure façon pour les PME de tirer profit de l’état actuel du marché.
Genevois d’origine, Marc Secretan travaille en tant qu’auditeur chez PwC depuis 25 ans. Son expérience de plusieurs années auprès d’entreprises cotées et d’institutions lui a permis de comprendre l’importance du réseau économique romand et lui a inspiré l’envie de se diriger vers le soutien aux PME. Aujourd’hui, il est associé responsable du siège PwC de Genève et de la branche suisse romande pour les entreprises familiales et les PME.
Marc Secretan, quels sont les principaux challenges auxquels les PME sont confrontées aujourd’hui ?
L’environnement géopolitique instable rend très difficile la mise en place d’objectifs à court et moyen terme. Je pense notamment aux PME qui peuvent être impactées par les droits de douane et qui sont tributaires des marchés, telles que les sociétés exportatrices. Actuellement, on observe deux tendances chez nos clients qui ont des activités à l’étranger. Tandis que certains choisissent de partir aux
États-Unis, d’autres rapatrient leurs activités en Suisse. La situation est un peu différente pour les entreprises tournées vers les services, car la stabilité du gouvernement suisse, de la balance des pouvoirs et des législations les rassure et leur donne une certaine sécurité.
Comment les entreprises peuvent-elles se préparer aux périodes d’instabilité ?
Face aux crises, la plupart des entreprises mettent en arrêt leurs projets d’expansion, ce qui ralentit leur développement. Néanmoins, si l’on prend le côté positif, toute crise a du bon. Les périodes d’instabilité offrent l’opportunité de revoir sa manière de travailler et de saisir des opportunités d’acquisition d’entreprises, par exemple. Les PME peuvent réfléchir aux challenges actuels auxquels elles font face et en profiter pour innover et implémenter de nouveaux outils qui vont leur permettre d’être plus performantes, tels que l’intelligence artificielle. Au niveau des marchés, les crises créent une concentration dans certains domaines, favorisant l’apparition de nouvelles affaires.
Quels sont les pièges courants à éviter lors de la création d’une PME ?
En ce qui concerne les micro-PME, les entrepreneurs ont souvent du mal à appréhender les coûts, qu’ils soient informatiques, administratifs ou de gestion. Ces derniers ne sont en effet jamais nuls et il faut donc s’assurer de disposer des fonds suffisants pour lancer son activité. Les entrepreneurs sont aussi parfois trop concentrés sur leur domaine, au point de ne pas faire d’études de marché ni d’analyses concurrentielles assez approfondies.
Quelles sont les meilleures pratiques pour gérer la croissance rapide de son entreprise ?
Il faut établir des principes de gouvernance très clairs. Il est également important de distinguer son conseil d’administration de sa direction, en ouvrant le premier à des membres externes. Cela permet d’être bien aiguillé dans ses décisions, de s’entourer de collaborateurs aux profils divers et experts dans leurs domaines, et in fine de se différencier de la concurrence. Un entrepreneur a besoin d’être challengé : il doit réussir à remettre en question son approche et être accompagné dans son développement, que ce soit en Suisse ou à l’étranger.
Comment une PME peut-elle optimiser sa gestion financière pour assurer une croissance durable ?
Il ne faut pas dépenser ce que l’on n’a pas. Cela est d’autant plus vrai en phase de création. Il est également essentiel d’utiliser tous les leviers possibles qu’offre la place financière romande. Nous avons la chance d’être bien outillés sur le plan bancaire avec des banques performantes qui sont prêtes à accompagner les entreprises. De nombreux fonds sont également disposés à soutenir certaines acquisitions. C’est le fait de procéder à une analyse du marché efficace qui va permettre aux entrepreneurs de trouver les bons financements.
Comment développer une culture d’entreprise forte et engagée ?
La communication parmi les collaborateurs est primordiale. La culture d’entreprise ne peut se renforcer que par le travail en équipe et par le partage de valeurs très fortes, ce que j’observe d’ailleurs plus fréquemment au sein des PME que des sociétés cotées. L’entrepreneur y est davantage présent et réussit donc à incarner des valeurs d’intégrité et de continuité auprès des collaborateurs. Pour que les gens s’entendent et créent cette culture d’entreprise, il faut également favoriser des liens de confiance entre chaque employé et la direction. Une personne qui a confiance en son chef travaillera de manière beaucoup plus efficace. Cela implique d’être transparent avec ses collaborateurs, de ne pas les laisser dans l’incertitude quant à la santé économique de l’entreprise et d’apprendre à les connaître.
Justement, comment une PME peut-elle attirer et retenir les meilleurs talents ?
Lorsque des sociétés familiales se font racheter par des grands groupes et que la culture d’entreprise se dilue, nous remarquons que les taux de rotation sont beaucoup plus importants. Bien que cela puisse aussi se produire dans les grands groupes, c’est principalement au sein des PME que l’on rencontre des employés ayant plus de 20 ans d’ancienneté. Au niveau du recrutement, il s’agit d’embaucher les bons profils, c’est-à-dire des personnes qui vont pouvoir s’épanouir dans leur poste.
Quels sont les avantages de l’adoption de pratiques durables pour une PME ?
Si les PME ne sont pas encore soumises aux régulations, adopter des pratiques durables leur permet de prendre de l’avance et leur octroie un avantage concurrentiel non négligeable. En effet, les consommateurs font de plus en plus attention à l’impact qu’ils ont lorsqu’ils achètent un produit. Les PME ayant des pratiques durables sont également plus facilement choisies en tant que sous-traitants par des entreprises issues de marchés où la durabilité est une obligation.
En quoi la digitalisation des process est-elle aujourd’hui indispensable ?
Franchir le pas de la digitalisation permet aux PME d’être plus rapides et plus flexibles, et ainsi de rediriger leurs ressources vers d’autres tâches. Toutefois, utiliser les nouvelles technologies implique de s’équiper de bons systèmes de prévention et sensibiliser ses collaborateurs, notamment pour éviter les
cyber-attaques et les fuites de données.
Quelles sont les tendances actuelles du marché que les PME devraient surveiller ?
Les pays ont tendance à se refermer sur eux-mêmes, c’est pourquoi il peut être bénéfique pour les entreprises helvétiques de trouver de nouveaux débouchés en Suisse. Face aux enjeux de durabilité, les PME ont également tout intérêt à privilégier les circuits courts et les produits locaux.
Interview Léa Stocky
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