Annick Jeanmairet est une figure incontournable de la cuisine télévisée en Suisse romande. Présentatrice et productrice de Les saisons de Pique Assiette, une émission culinaire diffusée sur RTS1, elle incarne une approche accessible et engagée de la cuisine. Journaliste de formation, elle a progressivement allié son amour de la gastronomie à sa carrière médiatique. Dans cet entretien, elle revient sur son parcours, ses inspirations, sa philosophie culinaire et son engagement pour une alimentation consciente et responsable.
Annick Jeanmairet, vous dites souvent que votre principale force est votre faiblesse technique. Pourquoi ?
Parce que je ne suis pas une cheffe ! Mon niveau technique est proche du zéro, ce qui me permet de parler aux gens de manière simple et authentique. Quand j’invite des chefs, je suis là pour les recentrer : ils ont tellement de technique qu’ils ne voient pas ce qui est compliqué pour le grand public. Moi, je fais toujours une cuisine abordable. Je cherche des solutions simples et efficaces pour le quotidien, car on a tous besoin de bien manger, mais on n’a pas toujours le temps.
Pourquoi votre cuisine est-elle très tournée vers l’Italie ?
Contrairement à la cuisine française, qui repose beaucoup sur la technique, la cuisine italienne est centrée sur le produit. Les Italiens sont fiers de leurs ingrédients, même les plus modestes. On parle beaucoup du végétarisme aujourd’hui, mais l’Italie a toujours eu une cuisine incroyablement végétale, surtout dans le sud. Un plat de pâtes avec des légumes peut être un grand plat.
Vous avez une approche presque politique de l’alimentation. Pourquoi ?
Ce qu’on mange, c’est l’acte le plus intime et le plus important de notre quotidien. Pourtant, la part du budget consacrée à l’alimentation a drastiquement chuté ces dernières décennies. La nourriture est devenue si bon marché qu’elle n’a plus de valeur : on achète, on jette, on achète encore. Et dès qu’un produit de qualité coûte un peu plus cher, on trouve ça excessif… alors qu’on est prêt à mettre 1 200 francs dans un iPhone.
Concernant le gaspillage alimentaire, j’ai écrit un livre en 2016 : Sans chichi, sans gaspi. En Italie, par exemple, on ne jette rien. Avec les produits les plus simples, on peut faire des plats extraordinaires.
Comment faire pour mieux manger au quotidien ?
D’abord, il faut reprendre le contrôle. Beaucoup disent : « Je n’ai pas le temps ». Mais combien de temps passent-ils sur Instagram ? Il faut faire de la cuisine une priorité. Ensuite, il faut revenir à des aliments bruts, simples. Un bon pain, un bon fromage, des œufs, des légumes de saison : pas besoin de plats compliqués pour bien manger.
On a tous besoin de bien manger, mais on n’a pas toujours le temps.
Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui débute en cuisine ?
Ne pas se laisser impressionner ! Il faut commencer petit, avec des recettes simples. Et puis, aujourd’hui, il y a énormément de ressources : Instagram, YouTube… On peut toujours trouver de l’inspiration et des idées accessibles.
Il faut arrêter d’opposer « sain » et « gourmand ». Moi, je fais une cuisine gourmande, digeste et équilibrée. J’adore la crème double, je l’utilise au lieu du beurre parce que le gras, c’est la vie, et il fixe le goût.
Vous insistez sur l’importance de suivre les saisons pour une alimentation plus naturelle et savoureuse. Quels produits privilégier en cette période de fin mars – début avril ?
Le printemps marque le retour des légumes primeurs et des produits plus frais après l’hiver. En ce moment, on trouve de magnifiques asperges, des radis croquants, des épinards jeunes et tendres, ainsi que des herbes aromatiques comme l’ail des ours. Côté fruits, les premières fraises commencent à apparaître, bien que ce soit encore le tout début. On peut aussi profiter des derniers agrumes, notamment les pomelos. Manger de saison, c’est aussi une manière de se reconnecter aux cycles naturels et de bénéficier d’aliments à leur pleine valeur nutritive et gustative.
Vous mentionnez l’engouement pour la cueillette sauvage et le retour à la nature en cuisine. Pensez-vous que ce soit accessible à tout le monde ?
Absolument ! Il n’y a pas besoin d’être un expert pour débuter. Il suffit de commencer par des plantes faciles à reconnaître, comme l’ail des ours, les orties ou encore le pissenlit, qui sont délicieux en salade ou en soupe. Cela permet de redécouvrir des saveurs oubliées et de se reconnecter à son environnement. Bien sûr, il faut toujours être prudent et bien identifier ce que l’on cueille, mais avec un peu d’apprentissage ou en participant à des sorties encadrées, cela devient un véritable plaisir. C’est aussi une belle manière d’adopter une alimentation locale et durable, tout en passant du temps en pleine nature.
On observe aussi un intérêt croissant pour la fermentation et les méthodes de conservation artisanales. Comment expliquez-vous ce retour aux techniques ancestrales ?
C’est une tendance qui répond à plusieurs besoins. D’une part, il y a une quête de naturalité et de bienfaits pour la santé : les aliments fermentés, comme le kimchi, la choucroute ou le kéfir, regorgent de probiotiques bénéfiques pour notre microbiote intestinal. D’autre part, ces méthodes permettent de conserver les aliments plus longtemps sans additifs et de limiter le gaspillage. Enfin, il y a un aspect ludique et gratifiant : fabriquer son propre levain ou sa propre kombucha, c’est aussi retrouver un savoir-faire, une certaine autonomie.
Quel est votre mantra ?
Le poète Rimbaud disait : Noël sur terre tous les jours alors moi si j’avais un mantra, ce serait : Noël dans l’assiette, tous les jours. Ce n’est pas une question de manger un plat de fête quotidiennement, mais plutôt de s’assurer que chaque repas soit un vrai plaisir. Pour moi, le luxe, ce n’est pas de déguster une truffe de temps en temps, c’est d’avoir chaque jour un plat qui me fait du bien.
Mes conseils pour mieux s’organiser en cuisine et éviter le gaspillage :
- Planifier ses courses : Faites une liste en fonction de ce que vous avez déjà dans votre frigo et vos placards. Achetez ce dont vous avez besoin et évitez les achats impulsifs, surtout quand vous avez faim.
- Attention aux promotions : Privilégiez les promos sur les produits non périssables (papier toilette, pâtes…) mais méfiez-vous des lots de viande hachée ou autres denrées périssables.
- Organiser ses placards et son frigo : Placez les produits à consommer en priorité devant, et vérifiez régulièrement les dates de péremption.
- Valoriser les restes : Faire des bouillons avec les fanes, cuisiner les restes de légumes en soupe ou en quiche… Mais attention, tout ne se mélange pas forcément bien !
- Composter : Une excellente manière de valoriser les déchets organiques. En ville, des solutions comme KLODE, une poubelle compost intelligente sans odeurs ni moucherons, facilitent le compostage en appartement.
Elle sera présentée le 5 avril dans l’émission.
Risotto à l’ail des ours
Pour 4 personnes :
- 50 g d’ail des ours
- 320 g de riz à risotto*
- 30 g de pignons
- 1 oignon
- 1 dl de vin blanc sec
- 60 g de Sbrinz fraîchement râpé
- 1.2 litres de bouillon de légumes (maison si possible)
- Huile d’olive
- Fleur de sel
*nous recommandons la variété LOTO, produite en Suisse romande dans le Vully fribourgeois : www.rizduvully.ch
- Nettoyer, essorer et éponger les feuilles d’ail des ours. Les ciseler grossièrement.
- Dorer légèrement les pignons dans une poêle anti adhésive (sans graisse).
- Tapisser le fond du bol du mixer avec une fine couche d’huile d’olive, ajouter une pincée de fleur de sel, la moitié de l’ail des ours, les pignons, puis terminer avec le reste d’ail des ours et un filet d’huile d’olive.
- Mixer jusqu’à consistance de pommade en ajoutant de l’huile si nécessaire (mais attention, le but n’est pas de noyer l’ail des ours dans l’huile, mais d’obtenir une pâte épaisse).
- Mettre dans un bocal et réserver au frigo.
- Éplucher et hacher l’oignon. Réchauffer le bouillon de légumes.
- Faire suer l’oignon à feu doux dans 3 cs d’huile d’olive pendant 5 minutes. Ajouter le riz et bien le remuer durant 2 à 3 minutes, jusqu’à ce qu’il soit nacré et translucide.
- Verser le vin blanc. Le laisser s’évaporer, puis recouvrir le riz avec quelques louches de bouillon bouillant. Lorsque le riz a absorbé tout le bouillon, ajouter à nouveau du bouillon, louche par louche, jusqu’à ce que le risotto soit cuit (environ 20 minutes).
- Ajouter alors le sbrinz et 4 cs de pâte d’ail des ours ; remuer vigoureusement pour bien lier le fromage à l’amidon du riz et rendre le risotto crémeux (en italien, on appelle cette opération la mantecatura).
- Répartir le risotto dans des assiettes plates et déguster sans attendre.
S’il reste de la pâte d’ail des ours, on peut…
L’incorporer dans des œufs brouillés ; la mélanger avec du fromage blanc et en garnir des pommes de terre cuites en robe des champs ; la mélanger à de la ricotta et du parmesan pour en faire une farce à ravioli ; la tartiner sur du poisson en vue de délicieuses paupiettes, ou encore l’utiliser comme du pesto dans des pâtes (dans ce cas, ajouter du parmesan ou du sbrinz râpé).
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