Interview par Léa Stocky

Roman Imgrüth : « Faire vivre la Suisse au travers d’expériences uniques et humaines »

Après une fête de l’Eurovision grandiose, le groupe MCH met l’évènementiel au centre de nos vies !

Le 17 mai dernier, l’Autrichien Johannes Pietsch, dit JJ, a été sacré gagnant de l’Eurovision 2025. Le concours de chant, qui a rassemblé 6500 personnes dans la Halle Saint-Jacques de Bâle et 36 000 personnes dans le stade du FC Bâle voisin, s’est tenu sur le sol suisse. Si l’on retient les paillettes, les notes endiablées et les feux des projecteurs, on oublie trop vite les mains organisatrices qui ont permis de faire vivre la Suisse au rythme de la musique en faisant de cet événement un moment inoubliable.

Après avoir été sportif professionnel pendant huit ans, puis consultant en gestion d’entreprises, Roman Imgrüth rejoint le groupe MCH en tant que responsable de la transformation, avant de devenir CEO Exhibitions & Events il y a cinq ans. Dans cette interview, il dresse un état des lieux de l’événementiel en Suisse, un secteur qui, bien qu’ayant été fortement impacté par la Covid-19, est aujourd’hui plus crucial que jamais pour réunir les gens et créer des liens.

Roman Imgrüth

Roman Imgrüth, avez-vous toujours été attiré par le secteur événementiel ou y êtes-vous arrivé grâce à des opportunités ? 

Je pense qu’il s’agit d’une combinaison des deux. J’ai grandi à Bâle, une ville qui accueille des événements et des expositions depuis 700 ans. Mes parents étaient d’ailleurs exposants. Ainsi, dès mon plus jeune âge, je passais déjà beaucoup de temps dans des événements en tout genre. Je n’avais pas vraiment prévu d’intégrer ce secteur. Quand j’ai souhaité rejoindre MCH il y a cinq ans, c’est surtout parce que j’avais les compétences que le groupe recherchait et que je voulais changer de carrière. 

Quelles sont vos missions aujourd’hui ? 

Je suis responsable pour les événements que nous organisons en Suisse, qui sont au nombre de 200 par an. Certains de ces événements sont sous notre organisation, alors que pour d’autres, nous y sommes présents en tant qu’invités. Je suis également responsable des infrastructures à Bâle et à Zurich. En tant que CEO Exhibitions & Events, mon objectif principal est d’agrandir le portfolio de nos actions. 

Qu’aimez-vous le plus dans votre travail ?

Organiser des événements est stressant, compliqué et demande beaucoup d’énergie. Malgré cela, mon plus grand bonheur est de voir les gens se réunir pour partager une expérience ensemble, que ce soit pour écouter de la musique dans le cadre de l’Eurovision, ou pour bien d’autres occasions. J’aime la joie que ce genre de manifestations apporte à chacun, de même que les connexions qui s’y créent entre les personnes présentes. Je ne pense pas qu’une autre profession puisse créer tant d’émotions durables dans l’esprit des gens. 

Quels sont les trois ingrédients pour un événement réussi ? 

Il faut être capable de créer une expérience qui soit mémorable, de rassembler les bonnes personnes pour faciliter les connexions, et d’avoir de la très bonne nourriture ! Si la nourriture n’est pas bonne, les gens s’en souviennent longtemps (rires). Finalement, il s’agit avant tout d’être un excellent hôte. 

Quels sont les principaux objectifs dans l’organisation d’événements, que ce soit pour les entreprises ou pour du divertissement ?

Dans le domaine des entreprises, les événements sont avant tout des outils marketing en compétition avec d’autres médias, en particulier les médias numériques. C’est pourquoi il faut être précis dans le choix du public auquel on s’adresse et dans l’identification de ses objectifs. Ensuite, lorsqu’il s’agit d’un événement régulier, il faut réussir à se réinventer constamment si l’on veut continuer à créer des expériences marquantes pour ses invités. 

Pour les événements publics, il s’agit de fédérer une communauté autour d’une expérience commune. L’offre en événements est importante, c’est pourquoi il existe une forte compétition dans le milieu. Nous devons donc réussir à nous démarquer pour être l’endroit où les gens veulent être. 

L’offre en événements est importante, c’est pourquoi il existe une forte compétition dans le milieu. Nous devons donc réussir à nous démarquer pour être l’endroit où les gens veulent être.

Comment avez-vous réussi à faire cela pour le concours de l’Eurovision ? 

L’Eurovision est un concours qui dure plus d’une semaine, avec de nombreuses activités organisées autour de l’événement. Je pense notamment à l’ouverture du festival, qui consiste en un événement média qui peut, à première vue, sembler assez ennuyeux. Généralement, les différentes délégations arrivent sur les lieux, elles donnent des interviews aux médias, font une petite fête, et c’est tout. Nous avons voulu changer cela. À Bâle, nous aimons les parades. Nous avons donc eu l’idée de réunir les Bâlois et les délégations lors d’un défilé, afin d’accueillir ces dernières au mieux. Finalement, cet événement normalement très exclusif s’est transformé en un moment de rencontres. Nous avons réussi à combiner les chansons de l’Eurovision avec des musiques traditionnelles suisses, ainsi que des styles plus modernes. Il s’agit de l’un de mes souvenirs les plus marquants liés à l’organisation d’un événement. Les membres de l’Union européenne de radio-télévision, l’organisation qui gère l’Eurovision Song Contest chaque année, nous ont dit que c’était la meilleure expérience qu’ils aient jamais vécue. Je pense que c’est un concept que nous retrouverons les années suivantes. 

Quels sont les plus grands défis auxquels fait face le secteur événementiel aujourd’hui ?

Quand j’étais plus jeune, nous avions moins de distractions qu’aujourd’hui. Entre les réseaux sociaux, les services de streaming, les jeux vidéo et bien d’autres encore, nous sommes en concurrence avec un grand nombre d’autres activités qui captent l’attention des gens. En fin de compte, la question réside toujours dans la façon dont les gens choisissent de passer leur temps. Il s’agit donc de réussir à créer une expérience dont il faut faire partie. 

Pour les événements B2B, les budgets marketing constituent l’un des plus gros obstacles. Il est donc essentiel de bien se positionner tout en conservant un fort niveau d’émotions et d’humanité.  

Comment le secteur de l’événementiel réagit-il au développement de nouvelles solutions numériques ? 

Les solutions numériques facilitent l’organisation de l’événement, nous permettent d’être plus efficaces, de connecter les gens plus rapidement et de rester en contact avec les collaborateurs par la suite. Pour ce qui est de l’événement en lui-même, il reste plus difficile de transmettre des émotions via un écran qu’en présentiel. C’est pourquoi je ne pense pas que le streaming remplacera les événements physiques. Les solutions numériques resteront avant tout un moyen de compléter l’expérience.

Comment le secteur aborde-t-il les questions liées au développement durable ? 

Ces dernières années, le secteur de l’événementiel a effectué un grand virage en ce qui concerne la durabilité environnementale, notamment en ce qui concerne la gestion des déchets, la logistique, la réduction de l’empreinte carbone, le choix de lieux plus économes en énergie et une restauration plus durable. Je pense toutefois que l’aspect social du développement durable est encore trop peu pris en compte, et ce dans tous les secteurs.

Pourquoi la Suisse est-elle un lieu si important pour les événements ?

En premier lieu, la localisation de la Suisse, qui se situe au milieu de l’Europe, y est pour beaucoup. Très accessible, le pays possède également une dimension internationale, avec une population et une économie très diverses. Il ne faut pas non plus oublier ses paysages magnifiques, son fort héritage culturel, mais aussi la présence d’infrastructures capables d’accueillir les événements. La Suisse réunit donc toutes les conditions pour créer des expériences inoubliables !

En quoi les manifestations sont-elles de véritables stimulants pour l’économie et l’industrie suisses ?  

Les événements dynamisent les industries qu’ils représentent car ils réunissent les principaux acteurs des secteurs concernés. Ces derniers peuvent ainsi échanger sur les défis qu’ils rencontrent et trouver des solutions ensemble, le tout dans un temps souvent très court, de quelques jours à une semaine. Ensuite, chaque lieu où se déroulent les événements voit son économie locale stimulée. Je pense notamment aux hôtels, aux restaurants, aux services de taxis ou de sécurité, qui sont davantage sollicités. Les événements créent ainsi de la valeur dans les lieux où ils se déroulent.

Comment voyez-vous l’avenir du secteur de l’événementiel en Suisse ?

Le développement des événements s’effectuera en fonction des évolutions de la société. Il s’agira donc d’abord de voir quelles seront les avancées sociétales, mais également les changements dans les différents secteurs économiques. Le monde de l’événementiel s’y adaptera ensuite, dans un effet miroir. Cette dynamique existe depuis plus de 100 ans. Nous sommes tous des êtres sociaux. Il y a toujours eu des événements, et il y en aura toujours.

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01.06.2025
par Léa Stocky
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