Interview par SMA

Me Douglas Hornung – Un parcours exemplaire

Avec divorce.ch, il réinvente l’approche du divorce : informer, accompagner et protéger avant tout les enfants.

En 2007, Me Douglas Hornung, avocat au barreau de Genève et juge suppléant à la Cour de justice du même canton, lance le site divorce.ch : une plateforme d’information juridique consacrée à la séparation et au divorce. En 18 ans, divorce.ch – et sa version alémanique onlinescheidung.ch – sont devenus des références incontournables en matière de droit de la famille en Suisse. Rencontre avec un avocat visionnaire, qui a su anticiper la digitalisation du secteur juridique.

Me Hornung, pouvez-vous revenir sur les grandes étapes de votre parcours et ce qui vous a conduit à vous spécialiser dans le droit de la famille ?

Je me suis orienté vers le droit de la famille tardivement. Issu d’un milieu modeste – mon père était fleuriste et ma mère secrétaire – c’est mon épouse américaine qui m’a poussé à l’indépendance. Elle m’a transmis une vision plus résiliente des risques d’échec, non pas comme une fin en soi, mais comme une opportunité d’apprendre et de s’élever. Cela m’a profondément inspiré et m’a incité à voler de mes propres mains, à 29 ans.

Douglas Hornung

Peu après avoir ouvert mon Étude, j’ai eu la chance de participer à la plus longue Cour d’Assises (7 semaines) de l’époque, ce qui m’a permis de côtoyer les plus grands avocats, MMes Bonnant, Poncet, Barillon. Ma maîtrise de l’anglais m’a naturellement amené vers l’international, j’ai rejoint l’AIJA (Association Internationale des Jeunes Avocats) à 30 ans et j’en suis devenu Président à Rio de Janeiro en 1992. Ainsi, j’ai toujours eu à traiter d’importants dossiers internationaux durant mes près de cinquante ans de carrière. En 2007, j’ai ressenti le besoin de faire autre chose. L’idée de départ était de proposer un modèle de convention de divorce accessible en ligne – une manière de démocratiser le droit.

Qu’est-ce qui vous a motivé à créer le site divorce.ch ?

Je voulais aider les gens et leur éviter de devoir dépenser des sommes excessives en honoraires d’avocat, surtout dans des situations émotionnellement lourdes. L’objectif était de proposer un site informatif de référence, à la fois pour les particuliers et les professionnels.

Lorsqu’un couple connait des tourments, ce n’est pas le droit qui pose problème mais l’émotion qui domine et empêche de raisonner. Les bagarres judiciaires s’éternisent, coûtent très cher et sont psychologiquement très lourdes à supporter. Il n’y a jamais de gagnants à ce jeu. Mais il y a souvent des perdants : les enfants, traumatisés, souvent gravement, parfois à vie. Chaque parent a l’obligation de tout faire pour que l’enfant ne souffre pas de la désunion. Ce n’est donc pas « ce que je veux » ou « ce que tu veux » mais c’est de mettre l’enfant au centre des préoccupations et de décider ensemble ce qui est le mieux pour notre enfant. En faisant cette démarche et en plaçant l’enfant au centre, le reste suit naturellement. C’est la « méthode Cochem », actuellement pratiquée dans quelques cantons test. Elle donne d’excellents résultat (un accord dans les 3 mois). Elle va se généraliser avec la modification prochaine de la loi.

Quels sont les obstacles les plus fréquents rencontrés lors d’une séparation ?

Le site divorce.ch offre un accès libre à tous les aspects de la séparation ou du divorce. Tout est écrit à l’avance et on peut vous dire aujourd’hui quel sera le résultat dans 3, 5 ou 10 ans de procédure bagarre. Malheureusement l’affect ou l’émotion, souvent liés aux enfants, empêchent encore trop souvent les parents d’être raisonnables et de mieux tenir compte de l’intérêt supérieur des enfants. Les règles de procédure actuelles sont inadaptées. Elles poussent à la surenchère et à la bagarre stérile. Il est prévu qu’elles changent drastiquement d’ici une année ou deux (sous réserve de référendum).

Aviez-vous déjà une expérience entrepreneuriale avant cette plateforme ?

Non, uniquement une expérience de terrain et une bonne dose d’intuition (et un peu de chance !). Après divorce.ch, j’ai lancé lawffice.ch, une solution d’espaces de travail partagés pour avocats. L’idée : offrir des bureaux haut de gamme flexibles, la possibilité de recevoir ses clients dans de bonnes conditions, tout en bénéficiant d’un réseau, de services de domiciliation, de formules adaptées à leurs besoins et de coûts dérisoires par rapport aux études traditionnelles. Cela répond à une vraie évolution de la profession. Cela m’a valu une très longue bataille juridique avec la Commission du Barreau. Il en reste quelques scories que le Tribunal fédéral devrait nettoyer prochainement.

Pourquoi avoir choisi de vous concentrer sur le thème du divorce ?

Peut-être par l’ennui de la routine des dossiers complexes en droit des affaires… J’ai eu une longue et belle carrière, et le divorce m’a semblé être un sujet insuffisamment traité à l’époque, malgré son importance sociale et humaine.

Une anecdote amusante : pour lancer le site, j’ai dû racheter le nom de domaine divorce.ch à un médecin lausannois qui avait déjà acheté le nom !

Comment le numérique a-t-il transformé le droit depuis la création de votre site ?

Le numérique a grandement facilité l’accès au droit et à la jurisprudence. Pour ce qui concerne le droit de la famille, tout est standardisé, l’intérêt supérieur de l’enfant et l’incitation à l’indépendance financière de chacun sont les deux grands axes du développement du droit et de la jurisprudence. Pour notre part, nous avons surtout amélioré le questionnaire au fil des années pour le rendre plus intuitif. Depuis 18 ans, tous les clients qui ont utilisé le site ont eu leur jugement dans les temps (3 mois) et pour le prix forfaitaire dérisoire convenu. Il fallait trouver une forme acceptable pour les divers tribunaux des 26 cantons. Certains s’en sont offusqués car la documentation produite bousculait leurs habitudes tirées des anciens codes de procédures cantonaux.

Aujourd’hui, nous avons trouvé un équilibre. En Suisse romande, la concurrence des avocats est forte, tirant les prix vers le bas, contrairement à la Suisse alémanique où les avocats proposent des premières consultations accessibles pour ensuite engager des frais plus importants. Cela nous a poussés à proposer davantage de conseils personnalisés, tout en continuant à démocratiser l’information juridique.

En quoi les métiers du droit doivent-ils s’adapter à l’essor de l’intelligence artificielle et à la dématérialisation ?

C’est le grand défi des métiers de service. Les technologies automatisent une large partie du travail de base. L’avocat de demain devra évoluer, se concentrer sur ce que l’IA ne peut pas faire. Je vois trois grands axes pour que les avocats gardent leur utilité. (1) la stratégie à suivre. Au début d’une partie d’échecs, les machines peuvent concevoir des milliards de solutions inutiles. Ce qui compte, au début d’une partie, c’est le premier mouvement (2) apporter une réelle plus-value : lorsque l’IA propose diverses options, laquelle choisir et pourquoi (3) l’empathie. Un programme ou une machine n’est pas (encore) empathique.
L’intelligence artificielle permet d’accélérer et d’optimiser les tâches, mais l’avocat doit rester à la pointe sur ses sujets, en apportant du sens, de la psychologie et de l’humain.

Votre profil est à la croisée du droit et de l’innovation. En quoi cela est-il un atout
aujourd’hui ?

Il y a vingt ans, on me trouvait disruptif ! Aujourd’hui, ce sont les clients eux-mêmes qui attendent des outils innovants, efficaces et accessibles. Même si je n’accepte plus de nouveaux dossiers depuis quelques années, divorce.ch reste mon « bébé ». J’y crois profondément. Il mérite d’être développé, car il rend service à de nombreuses personnes.

Quelle est votre plus grande fierté professionnelle ?

Sans hésiter, la création de divorce.ch. C’est l’aboutissement de mon parcours et une source de fierté immense.

Le site s’enrichit constamment, il est devenu un outil complet et utile pour accompagner les couples dans leurs désunions. Être une référence nationale et savoir que le site aide des milliers de personnes (le site a plus de 35 000 visiteurs par mois), c’est ma plus belle réussite.

Une réponse à “Me Douglas Hornung – Un parcours exemplaire”

  1. Hannah dit :

    Bonjour,
    J’ai essayé d’utiliser les outils proposés par divorce.ch quand je me suis séparée de mon mari en 2012. Malheureusement, quand la partie opposée est un PN, il y a peu d’espoir de s’en sortir dans les 3 mois. Il a fallut 7 ans. Et il a ressaisi le tribunal cette année, donc 6 ans après et quelques semaines seulement après que le cadet a atteint la majorité. À quand un système qui protège contre l’harcèlement psycholigique et économique des PN ? Je n’en peux plus.

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28.09.2025
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