50 «il faut pouvoir atteindre les 50 ans et ne pas vouloir activer le bouton reset»
Interview

«Il faut pouvoir atteindre les 50 ans et ne pas vouloir activer le bouton reset»

28.08.2020
par Andrea Tarantini

Interview avec Mike Horn, le plus grand explorateur moderne au monde,
qui nous explique son enrichissante philosophie de vie qui l’aide à se sentir jeune dans l’âme
même après 50 ans.

Il a traversé le continent sud-américain en parcourant les 6400 km du fleuve Amazone en hydrospeed et il a fait le tour du globe, sans véhicules à moteur, par l’équateur mais aussi par le cercle Arctique et par les Pôles. Depuis la Russie, il s’est dirigé au Pôle Nord en ski. Sans oublier qu’il a atteint plusieurs des plus hauts sommets au monde comme le Gasherbum 1, le Gasherbum 2, le Broad Peak et le Makalu. Aujourd’hui, Mike Horn est considéré comme le plus grand explorateur moderne au monde. Pourtant, il se définit comme «quelqu’un de tout à fait normal». Pour quelles raisons? Il nous l’explique dans cette interview.

Mike Horn, vous avez passé 50 ans et, pourtant, vous profitez au maximum de votre vie. Que diriez-vous aux gens qui pensent qu’à 50 ans leur vie est limitée par l’âge?

Je leur dirais qu’ils n’ont rien compris car c’est à cet âge que la vie commence. Nous ne pouvons pas vivre dans le passé, il faut vivre le moment présent. Ainsi, chaque jour est nouveau et excitant.

Au fond, je pense que nous voulons tous être heureux de la vie que nous menons.

Est-il vrai que 50 ans c’est l’âge de la remise en question?

Moi je me suis remis en question tous les jours de ma vie (rires). C’est dommage de se remettre en question à 50 ans car nous risquons de louper beaucoup de choses. Si nous changeons au jour le jour, à 50 ans nous ne traverserons pas cette remise en question totale. Il faut pouvoir atteindre les 50 ans et ne pas vouloir activer le bouton reset en fait. Idéalement, ce bouton il ne faudrait jamais vouloir l’activer.

Pourquoi entreprenez-vous des expéditions extrêmes?

C’est une question que je me pose souvent aussi (rires). Je pense que c’est simplement parce ça me rend heureux. J’ai besoin de me poser des objectifs dans la vie. Mes expéditions extrêmes ajoutent de la couleur à mon existence. Au fond, je pense que nous voulons tous être heureux de la vie que nous menons.

Avez-vous besoin de ces expéditions pour vous retrouver?

Oui, je pense que lorsque nous nous isolons, nous avons plus de temps pour réfléchir et ne sommes pas influencés par les autres, il est donc plus facile de formuler des pensées profondes et de se retrouver de manière plus intense. Il est important de creuser dans les profondeurs de notre être et de ne pas rester qu’en surface.

Faut-il être un peu fou dans la vie pour faire tout ce que l’on désire?

Oui et non. Je pense qu’il faut croire en ce que nous voulons faire et il faut définir une raison. Il faut être fou pour vouloir faire du mal aux gens par exemple, mais si nous avons un but intéressant, de bonnes raisons et si nos actions sont bienveillantes, il faut juste croire en nos objectifs et les atteindre.

Le voyage, l’adrénaline et l’aventure, sont-ils des éléments vitaux pour vous?

Exactement, ils sont des parties prenantes de ma vie, les épices et les couleurs que je décide d’y ajouter. On dit que la vie moyenne de l’être humain dure environ 30’000 jours, jusqu’à l’âge de 82 ans. Ce n’est pas beaucoup (rires). C’est pourquoi, il est important de vivre «à fond la caisse», comme disent les jeunes de nos jours.

Il est important de creuser dans les profondeurs de notre être et de ne pas rester qu’en surface.

Qu’est-ce qui vous motive à aller de l’avant pendant vos expéditions et, surtout, pendant les moments difficiles?

Je ne suis pas toujours motivé (rires). Quand il fait moins 50 degrés, que je suis dans ma tente et que je sais que je vais devoir sortir, m’exposer au froid glacial et peut-être mourir, je ne suis pas du tout motivé. C’est humain (rires). Mais dans la vie il faut être discipliné plus que motivé.

Qu’est-ce que la liberté à vos yeux?

C’est un idéal (rires). Je pense qu’il nous est impossible d’être vraiment libres mais nous pouvons avoir le sentiment de l’être. Nous vivons avec d’autres personnes et il faut donc prendre en compte les besoins d’autrui. Afin de pouvoir cohabiter dans ce même monde, il faut forcément faire des sacrifices et, dès que nous en faisons, nous ne sommes pas libres. Je pense que la liberté, aujourd’hui, existe dans nos pensées les plus belles.

Pourtant, selon certains, le coronavirus nous a privé de notre liberté. À votre
avis, que faut-il retenir de cette crise?

Oui, de nombreuses personnes pensent que cette crise sanitaire leur a ôté leur liberté. En revanche, moi je ne me suis jamais senti autant libre que pendant le semi-confinement. Cet idéal ne m’a jamais semblé autant atteignable en fait. Et c’est simplement parce que je n’ai pas confiné mon esprit. C’est vrai, j’ai confiné un peu mon corps mais, à la maison, je me sentais plus libre que lorsque j’étais quatre mois sur la glace, enfermé dans une tente à moins 50 degrés.

Vous semblez penser qu’il est plus important d’aspirer à la libération de son esprit plutôt que de son corps, mais ne vont-ils pas de pair?

C’est vrai, je pense que le plus important, c’est la libération de l’esprit puisque celle de notre corps suit naturellement. Par exemple, le semi-confinement a influencé beaucoup de personnes car elles n’étaient pas habituées à libérer leur esprit et il leur était difficile de sentir leur esprit plus libre et leur corps confiné.

Parfois, il nous faut aussi croire en ce que nous ne croyons pas vraiment.

En quoi croyez-vous?

Je crois dans tout ce que je vois mais aussi dans ce que j’aperçois au travers de mon imagination. Cette autre partie est essentielle car, si nous ne croyons que dans les choses visibles, nous passons à côté de ce monde imaginaire, intouchable, composé de nos rêves. Les croyances sont importantes et je dirais même que, parfois, il nous faut aussi croire en ce que nous ne croyons pas vraiment.

Et est-il important de croire en soi?

Bien sûr! Quand nous nous faisons prendre par la peur, nous commençons à douter et nous nous paralysons. C’est la peur de l’inconnu, que la plupart d’entre nous a déjà expérimenté. Je pense que la seule manière de lutter contre cette paralysie c’est de connaître nos propres capacités, d’évoluer, de devenir plus forts et donc de nous permettre de croire en nous-mêmes.

Faut-il avoir plus peur de la nature ou des êtres humains?

Des êtres humains bien évidemment, car la nature est telle que nous la voyons, elle ne triche pas. Nous pouvons penser qu’elle détruit et tue par les tempêtes, les tsunamis, les éruptions volcaniques, etc. Mais, au fond, ce n’est pas la nature qui est méchante, c’est l’Homme qui est mal préparé. Les êtres humains ont cette capacité de mentir et de faire du mal volontairement. C’est dangereux tout comme leur avarice qui les rend dépendants des biens matériels et insouciants du bien-être d’autrui.

Quelles sont les valeurs que vous aimeriez transmettre à vos deux filles?

Il faut deux choses dans la vie d’un enfant: une base solide et des ailes. Composée de valeurs humaines comme l’amour, le courage, la ténacité, la force de se lever quand on tombe et la volonté de devenir meilleur par l’expérience, la base définit la personne que nous sommes. Ensuite, il faut donner les ailes aux enfants car ils doivent pouvoir découvrir qui ils sont en explorant.

Et que faire s’ils brûlent leurs ailes?

Tous les enfants brûlent leurs ailes un jour ou l’autre. Mais quand cela se passe, ils peuvent se reconstruire parce que la base de leur construction individuelle est solide. Les erreurs et les brûlures aident à mieux repartir. Nous devons donner des ailes à nos jeunes, nous ne nous pouvons pas les enfermer dans une cage dorée parce que, bien que belle et faite par amour, elle reste tout de même une cage.

Et vous, avez-vous déjà brûlé vos ailes?

Oui, bien sûr et même souvent. J’aime explorer l’inconnu et prendre des risques. Par exemple, quand je suis parti au Pôle-Nord pour la première fois, j’ai brûlé mes doigts à cause du froid mais aussi mes ailes (rires). Le risque fait partie de l’aventure. Si nos rêves ne nous font pas peur, ça veut dire qu’ils sont trop petits. Un grand rêve implique un grand risque de brûler ses ailes, et alors? Ce n’est pas une raison de ne pas rêver en grand, au contraire. Si moi je n’ai pas peur de partir ou de mourir, c’est parce que l’envie de gagner est plus forte que la peur de perdre.

Nous devons donner des ailes à nos jeunes, nous ne nous pouvons pas les enfermer dans une cage dorée.

Prendrez-vous votre retraite un jour?

(Rires) Moi je n’ai pas contribué à ma retraite, il me faut donc travailler jusqu’à la fin de mes jours, ce qui ne me dérange pas sincèrement (rires). Pour quelqu’un comme moi, la retraite n’existe pas. Je devrai simplement adapter mes activités. Lorsque je ne pourrai plus faire d’expéditions, je partagerai tout ce que j’ai appris avec les autres.

Quels endroits voudriez-vous visiter encore?

La Lune ou Mars (rires). L’espace est si grand et je ne l’ai pas encore visité (rires). Il y a aussi les profondeurs des océans. Notre monde change et il ne se ressemble jamais d’année en année. On pourrait donc faire de notre vie une expédition continue et on aurait tellement de choses à voir.

La vie est belle alors il faut…la vivre et vraiment croire qu’elle est belle.Après 50 ans, tout le monde devrait…sortir pour profiter de chaque jour restant.

Mon âge me rend…sage.

Ce qui me fait rire c’est…tout (rires) parce que je ne me prends pas au sérieux alors que les choses que je fais le sont.

Je m’énerve quand…je dois attendre sur les autres (rires).

Mon pêché mignon c’est… tout ce qui est sucré. J’adore les sucreries (rires).

J’aimerais pouvoir…ne rien changer dans ma vie.

Le plus ennuyant dans la vie
d’un explorateur de l’extrême c’est…
toute la paperasse qu’il faut préparer.

J’ai honte de l’avouer mais j’aime…le vin (mais je n’ai pas trop honte (rires)).

Mon rêve est de… laisser quelque chose derrière moi qui soit utile aux gens.

Je vous souhaite… bon vent!

Interview Andrea Tarantini

Photos Dmitry Sharomov

2 réponses à “«Il faut pouvoir atteindre les 50 ans et ne pas vouloir activer le bouton reset»”

  1. Diane locher dit :

    J’aime votre état d’esprit! Vos exploits me posent problème. Demandent réflexion…c’est mon péché mignon…à bientôt.

  2. Castella dit :

    Oui merci de votre partage, la vie est faite de challenges et oser les accomplir c’est oser mieux se connaître, s’aimer et s’entourer… bravo pour votre parcours et l’inspiration que vous transmettez ! Profitons de nos vies 👍🏼🍀🍀🍀 Christine

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