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Architecte – Expertise métier

06.01.2018
par SMA

«Quid de la profession d’architecte en Suisse aujourd’hui?»

La qualité de la production architecturale contemporaine en Suisse est reconnue loin à la ronde, les étudiants remplissent les écoles d’architecture et les prévisions conjoncturelles sont bonnes. Pour autant, le métier d’architecte est à une croisée des chemins et les défis sont nombreux.

Digitalisation

La conception collaborative 3D d’abord. Le BIM (Modélisation des données du bâtiment) est une réalité sur les chantiers depuis quelques années. Il est porté par les ingénieurs et subi par les architectes. Est-ce un progrès? La question est débattue, mais comme toute technologie le BIM se sera imposé avant qu’une réponse ne soit définitivement apportée. Plutôt que de mener un combat d’arrière-garde, les architectes doivent prendre le contrôle du BIM. Il sera la source d’information primaire du projet. Celui qui le maîtrise contrôlera le processus décisionnel et dictera le tempo. Aucun chef d’orchestre ne cède la baguette et la partition à un deuxième violon. Même si le BIM les rebute, les architectes ne peuvent prendre le risque de l’ignorer. Le rythme d’adoption des nouveautés en Suisse étant ce qu’il est, il est encore temps.

Complexité

Notre société produit une quantité de normes et de technologies qui prospèrent de manière exponentielle. On ne saurait plus se passer des spécialistes. Ingénieur sécurité, thermicien, économiste, assistant à maîtrise d’ouvrage, BIM manager, acousticien, spécialiste des déchets, paysagiste, en plus de tous les ingénieurs en génie civil, en techniques des bâtiments, en façade, les géotechniciens et les géomètres dont on avait déjà l’habitude. Ce n’est pourtant aucun de ces spécialistes qui peut (ni ne doit) être garant de la cohérence architecturale d’un projet. L’architecte seul maître à bord est mort, l’architecte collaboratif et interdisciplinaire doit émerger.

Taille critique

Les petites structures sont sous pression. Outre la complexité des normes et des outils et le coût de ces derniers, l’aversion au risque des clients pèse de plus en plus. Les inconnues et les risques liés à la construction ne sont pas les même que pour l’achat d’une chemise et la profession paie le prix de la légèreté de certains qui ont mis l’art au-dessus des contingences matérielles. Résultat: quand les clients ne se tournent pas vers les entreprises générales, ils exigent des garanties, des consortiums ou des structures de projet qui dépassent la capacité financière et organisationnelle des petits bureaux. Dans le meilleur des cas ils doivent renoncer à assumer l’entier des prestations, dans le pire, ils font naufrage. L’architecte doit pouvoir prétendre par sa rigueur et sa formation redevenir le mandataire principal du maître de l’ouvrage.

Densification

Après 50 ans de de croissance la Suisse se réveille avec un paysage mité et une consommation d’énergie fossile au-delà du raisonnable. La LAT (Loi sur l’aménagement du territoire) dit maintenant halte au bétonnage hors des agglomérations et la stratégie énergétique 2050 impose d’assainir les bâtiments. La majorité des architectes ne partira plus d’une page blanche mais interviendra sur des structures existantes, souvent par petites touches. Cette approche qui incite à l’humilité et à la retenue est sans doute plus délicate que de signer des projets neufs. Ce qui est au passage encore la norme dans l’enseignement du projet d’architecture.

Que doivent faire les écoles d’architecture dans ce contexte?

Ne jamais perdre de vue que l’architecte doit rester un généraliste formé d’abord au projet et à la construction, dont l’esprit critique et la capacité de synthèse doivent être cultivés.

Reprendre la main sur la digitalisation. A ce titre la HEAI à Fribourg, HEPIA à Genève et l’EPFL ont créé un CAS conjoint en coordination BIM.

Développer les ateliers interdisciplinaires, comme Créagir de la HES-SO Genève qui réunit étudiants en architecture et ingénierie mais aussi en travail social, gestion, santé et design.

Donner le poids qu’il mérite à l’enseignement des branches de gestion (économie, planification, droit de la construction) pour que l’architecte puisse prétendre à la maîtrise de l’ensemble du processus, de l’avant-projet jusqu’à la mise en service.

Proposer des cours et ateliers spécifiques dédiés à l’intervention sur l’existant. Ils sont obligatoires à HEPIA et à la HEIA.

Les écoles d’architecture ont compris ces défis et les accompagnent. Si elles font bien leur travail les futurs praticiens seront bien armés pour perpétuer la tradition de qualité de l’architecture suisse.

On ne saurait plus se passer des spécialistes.

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